La diplomatie du Golfe au Soudan : le piège historique

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Lors de ma participation à la célébration de la fête de l’indépendance de la République du Soudan au Palais présidentiel dans la capitale, Khartoum, en décembre 2016, j’ai rencontré par hasard le diplomate chevronné et conseiller médiatique au sein du gouvernement de l’ancien président Omar el-Béchir, M. Imad al-Din Ahmed. Nous avons discuté de l’avenir des relations entre le Soudan et les pays du Golfe, et de la raison pour laquelle ce sujet n’était même pas abordé dans les médias du Golfe. Je me souviens lui avoir dit à l’époque :

 

Malgré le rôle majeur du Soudan dans la création des agences de presse et des institutions de radio et de télévision dans tous les pays du Golfe arabe, l’appareil médiatique soudanais destiné au public arabe et du Golfe est totalement absent, en dépit du riche patrimoine artistique, historique et culturel dont dispose le Soudan. Ce patrimoine lui permettrait d’atteindre les publics arabes et africains, et de faire connaître l’histoire de la terre d’Al-Mogran et les étapes politiques cruciales qu’elle a connues dans l’histoire ancienne et contemporaine.

 

D’un autre côté, le peuple du Golfe, dans son ensemble, ne connaît le Soudan moderne et ses caractéristiques historiques qu’à travers des parties “non soudanaises”, qui, depuis l’indépendance du Soudan en 1956 jusqu’à ce jour, s’efforcent d’imposer une image en décalage avec la réalité soudanaise. Elles dénigrent son histoire ancienne, minimisent son influence politique et religieuse en Afrique, et ont même inondé les bibliothèques et institutions éducatives du Golfe de publications qui imposent au lecteur du Golfe – en particulier – de voir le Soudan à travers leur propre prisme. C’est là le piège historique dans lequel certaines orientations diplomatiques du Golfe sont tombées en traitant avec le Soudan comme État, un piège qu’il est urgent de reconnaître et de corriger avant qu’il ne soit trop tard.

 

Huit années se sont écoulées depuis ma rencontre et mon entretien avec le diplomate soudanais, et rien n’a changé. Au contraire, la nécessité de mettre en lumière et de déconstruire ces réalités n’a fait que croître, compte tenu de la tension populaire que connaît actuellement le Soudan – une tension qui a dépassé le stade de la colère vengeresse pour atteindre une phase difficile à décrire, et dont la direction est incertaine. Il est certain, toutefois, qu’elle ne ressemblera pas à celle que toutes les parties ont connue dans le Soudan d’avant 2019. Et l’on ne peut blâmer Khartoum pour cela, car l’atteinte portée à l’essence même de l’État soudanais, à laquelle ont participé aussi bien des acteurs internes que leurs soutiens extérieurs, dépasse de loin toute tentative de pardon.

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