La tournée africaine annoncée de l’Alliance “Sommoud” Un masque sur un visage mort

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La tournée africaine annoncée de l’Alliance “Sommoud”

Un masque sur un visage mort

 

Un vieux proverbe africain de la prestigieuse tribu des Serer, installée à l’extrême ouest du continent, affirme :

« Lorsque l’homme ne voit pas de sortie de secours, il court dans toutes les directions. »

 

Depuis janvier 2024, une expression codée est utilisée dans les cercles journalistiques et intellectuels francophones lorsqu’il s’agit d’évoquer la coordination “Tagaddum”, dont est issu le projet politique “Sommoud”, ou la milice des Forces de soutien rapide (FSR). Cette expression — devenue virale chez les chercheurs et spécialistes des affaires africaines — est aujourd’hui résumée par une formule désormais célèbre : « Un masque sur un visage mort ». Elle se suffit à elle seule pour lire l’opinion africaine face à la scène politique soudanaise, qui a instauré pour la première fois dans l’histoire contemporaine du continent une rupture nette entre les composantes de l’État. Une réalité que les élites francophones africaines ont su intégrer en révisant leurs visions stratégiques en fonction des garanties et limites marquant la genèse du projet au cœur de Khartoum.

 

Selon des sources sécuritaires françaises, le Dr Abdalla Hamdok, chef de l’Alliance Sommoud, s’apprête à effectuer une tournée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Cette initiative coïncide avec la tenue imminente d’une réunion de haut niveau du “Groupe des Quatre” parrainée par les États-Unis, prévue pour ce mois de juillet afin de mettre un terme à la guerre au Soudan. L’annonce a suscité un vif intérêt — mais peu d’enthousiasme — dans les cercles politiques et sécuritaires ouest-africains. Trois courants principaux expliquent cette réception réservée, chacun ayant émergé après le 15 avril 2023 :

 

🛑 Premier courant :

Dès le départ, ce courant n’a jamais perçu la coordination “Tagaddum” comme une véritable solution pour le Soudan — et encore moins aujourd’hui dans sa version “Sommoud”. Sa position repose sur une lecture approfondie de la notion d’État civil, du processus démocratique, de la guerre et de la paix. Selon lui, bien que l’Alliance Sommoud ait critiqué la répression de la rébellion, elle a paradoxalement trouvé un terrain d’entente avec le groupe armé — malgré la conscience que ce dernier ne visait ni la justice ni la démocratie, mais l’éradication pure et simple de l’État soudanais pour lui substituer un régime parallèle. Si l’objectif réel est la construction d’un État civil, cela commence par le respect des institutions légitimes, le rejet du recours à la violence armée, et l’établissement de dialogues officiels, y compris par des médiateurs régionaux ou internationaux. Faute de cela, la notion d’État national perd toute signification.

 

Ce courant propose une vision stratégique tournée vers l’avenir des États-nations africains. Il appelle à réformer les systèmes politiques, renforcer les mécanismes électoraux et favoriser une participation citoyenne élargie.

 

🛑 Deuxième courant :

Ce courant partage la même analyse que le premier, à une différence près : il a soutenu avec ferveur la nomination d’Abdalla Hamdok à la tête du gouvernement de transition post-Bashir, voyant en lui l’opportunité de relancer ce qu’on appelait alors le “Projet du Grand Soudan”. Homme de stature internationale et bénéficiant d’un large soutien populaire, Hamdok incarnait l’espoir. Mais son retour après le coup d’État, sa collaboration avec une milice hors-la-loi, et sa tentative de légitimer les crimes de celle-ci contre la souveraineté nationale, ont profondément ébranlé la confiance qu’on lui portait. Il n’est désormais perçu que comme l’exécutant d’un rôle défini, bientôt terminé.

 

Ce courant est foncièrement hostile aux régimes autoritaires. Il promeut une démocratisation forte, fondée sur la structuration des partis politiques. Bien qu’il bénéficie d’un soutien populaire dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, il reste confronté à l’immaturité institutionnelle des expériences démocratiques africaines.

 

🛑 Troisième courant :

Moins impliqué dans les dynamiques hors de son voisinage immédiat, ce courant reste discret mais attentif. Pour lui, la pérennité de l’État civil ne peut être garantie que par ses institutions militaires nationales. En d’autres termes, la continuité étatique est indissociable de la solidité de son armée.

 

Il ne porte pas de jugement prédéfini sur les mouvements civils soudanais issus de la révolution de décembre. Il s’appuie exclusivement sur les analyses produites par ses organes de renseignement et de sécurité. Toute position est déterminée selon la compatibilité avec ses propres intérêts nationaux et le respect des normes internationales.

 

Résumé (vision africaine) :

  • La tournée de Hamdok est perçue comme un clone affligeant de celle du chef de milice Hemetti en janvier 2024 — une opération de communication coûteuse, sans portée réelle sur l’avenir politique du Soudan.
  • Les centres décisionnels africains, même ceux ayant jadis soutenu la FSR, réalisent que le pari sur une prise de pouvoir expéditive par la milice est perdu. L’armée soudanaise a réaffirmé que toute influence internationale doit passer par les institutions nationales légitimes.
  • La communauté internationale est désormais en désarroi, consciente que le modèle sur lequel elle misait (la milice) n’a plus d’avenir. L’appareil militaire soudanais, forgé depuis 1989, s’est révélé étonnamment résilient.
  • Les acteurs internationaux impliqués dans la crise soudanaise savent désormais qu’aucun retour en arrière n’est possible. Les visites comme celle du ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy à la frontière soudano-tchadienne en janvier, ou les discussions autour d’une mission onusienne à Port-Soudan, n’inverseront pas le cours des choses. Le Soudan de demain — sans milices — est désormais en marche.

 

Dr. Amina Al-Araimi

Emirati Researcher in African Affairs

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