Contenus Politiques «Soudanais»

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Le peuple ancestral Gbaya, établi dans l’Oubangui-Chari — aujourd’hui la République Centrafricaine — a hérité d’un proverbe ancien qui dit :

« Il n’est pas honteux de tomber face aux montagnes, mais il est déshonorant d’en nier la solidité. »

 

L’administration du président Faustin-Archange Touadéra a été la première, parmi les pays voisins du Soudan, à évaluer le conflit opposant l’armée soudanaise aux milices des Forces de Soutien Rapide. Bien que la position de Bangui sur la crise soudanaise reste floue — voire complice —, sa proximité géographique l’a contrainte à faire face à un encerclement local, sécuritaire et renseignementiel. Pour s’en libérer, une seule issue : Khartoum. Cette logique s’applique à tous les voisins régionaux du Soudan, bien que Bangui se soit distinguée par son courage et sa volonté de rétropédaler, reconnaissant une mauvaise évaluation initiale de son soutien à la milice.

 

Une conviction ancienne, partagée de Bangui à N’Djamena en passant par Addis-Abeba, postule que la consolidation ou la fragilisation de leur sécurité nationale dépend de leur proximité ou de leur éloignement de Khartoum. C’est une opportunité non seulement pour Bangui, qui cherche à s’attirer les faveurs du Soudan par l’entremise de la Russie, mais également pour le Soudan de réorganiser ses cartes à l’échelle régionale.

 

La visite de la délégation centrafricaine au Soudan s’inscrit dans une tentative de Bangui d’obtenir le soutien de Khartoum dans deux dossiers sensibles :

🔆 Les leaders de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC).

🔆 Le dossier Armel Sayo.

Bangui considère que seul Khartoum est en mesure de contenir les mouvements de l’opposition centrafricaine, qui s’est récemment renforcée. Malgré les pressions exercées sur Armel, notamment via l’arrestation de membres de sa famille et leur transfert dans différentes prisons fin avril, puis son extradition via le Cameroun, le gouvernement centrafricain n’a pu entraver la montée en puissance de la Coalition Militaire de Salut du Peuple, soutenue selon Bangui par Khartoum.

 

L’administration du président Touadéra comprend parfaitement l’influence potentielle de Khartoum, qui peut soit renforcer, soit affaiblir sa sécurité nationale. C’est dans cette optique qu’a été conçue la Stratégie de convergence et de coopération avec le Soudan. Cette dernière s’est imposée après l’échec du pari sur les Forces de Soutien Rapide.

Dès lors, rien n’empêche Khartoum de mettre en œuvre une stratégie de partage de vision, à condition que les demandes de Bangui soient claires, précises et qu’elles respectent la souveraineté du Soudan et le rôle de ses institutions nationales dans la stabilité régionale. Bangui, tout comme ses voisins, a ressenti les effets de la crise soudanaise sur sa sécurité intérieure, au point de se retrouver dans une position d’hésitation politique sur plusieurs dossiers cruciaux.

Ainsi, la délégation centrafricaine présente actuellement au Soudan devrait discuter des points suivants :

🔆 Établir un calendrier pour le lancement effectif de la stratégie de convergence et de coopération, telle qu’approuvée lors de la réunion des deux présidents au Conseil de sécurité.

🔆 Résoudre la question du quartier PK5 à Bangui, reconnu par les autorités soudanaises comme un centre économique vital, tandis que Bangui reconnaît les liens sécuritaires et de renseignement entre Khartoum et les factions armées opérant dans cette zone.

🔆 Tirer parti de l’influence de Khartoum sur l’opposition armée afin de favoriser les bases d’une réconciliation nationale, une priorité majeure pour la Centrafrique.

🔆 Il n’est pas exclu que Bangui sollicite l’appui de Khartoum pour convaincre Armel Sayo de dissoudre la Coalition Militaire de Salut du Peuple et de Redressement, qu’il a fondée.

 

Il est proposé que Khartoum entreprenne les actions suivantes :

🔆 Maintenir une position équidistante vis-à-vis de toutes les parties impliquées dans la crise intérieure centrafricaine, tant que Bangui continue son soutien implicite aux Forces de Soutien Rapide.

🔆 Conserver en secret la carte de l’opposition centrafricaine. Bien que cela inquiète Bangui, c’est une garantie de son engagement à neutraliser les milices et leurs projets déstabilisateurs, un droit légitime pour Khartoum de dessiner sa propre politique régionale après cette douloureuse expérience.

🔆 Renforcer, sur le plan médiatique et diplomatique, le message selon lequel la guerre menée par les milices contre l’armée soudanaise constitue une tentative d’éradication de l’État soudanais, de ses ressources, de ses institutions, et de son peuple. Il ne s’agit nullement d’une quête de justice sociale ou de démocratie. Les affronter est un devoir sacré.

🔆 Affirmer auprès des représentations diplomatiques internationales que tous les corps militaires et sécuritaires soudanais s’accordent à considérer la milice comme un instrument régional visant à redessiner la carte politique au détriment de l’avenir du Soudan et de la Corne de l’Afrique.

🔆 Rappeler à chaque occasion diplomatique que les acteurs internationaux présents au Soudan sont contraints de revoir leurs calculs politiques et sécuritaires, ayant réalisé l’impossibilité d’atteindre leurs objectifs par le biais de groupes hors-la-loi, quels que soient les soutiens logistiques dont ils bénéficient.

 

Dr. Amina AlAraimi

Chercheuse émiratie spécialisée dans les affaires africaines.

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