La rivalité du Golfe dans la Corne de l’Afrique : une lutte stratégique pour l’influence
La Corne de l’Afrique a été le théâtre de bouleversements majeurs qui ont attisé la rivalité stratégique entre les pays du Golfe. Ce qui s’apparentait autrefois à une simple compétition est aujourd’hui devenu un conflit existentiel, affectant profondément l’unité du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et l’identité collective de ses peuples.
Depuis la crise du Golfe en 2017, les pays de la Corne de l’Afrique se sont retrouvés tiraillés entre plusieurs axes rivaux. Leurs positions ont divergé : la Somalie et l’Éthiopie ont opté pour la neutralité, Djibouti a réduit ses relations diplomatiques, tandis que l’Érythrée s’est alignée avec un camp spécifique. Malgré leur neutralité, Mogadiscio a particulièrement souffert, perçue comme le maillon faible d’un système politique fragilisé depuis 1991. Cette instabilité est entretenue par des interventions régionales opportunistes.
Le Kenya s’est montré particulièrement virulent dans sa gestion du dossier somalien, notamment en ce qui concerne le différend maritime sur une zone potentiellement riche en pétrole. Bien que la Cour internationale de justice ait été saisie, les délais et modalités de résolution restent flous. La récente réouverture de l’ambassade des États-Unis à Mogadiscio — après trois décennies de fermeture — marque un tournant stratégique : Washington entend désormais jouer un rôle plus direct dans la région, notamment pour contrer l’influence croissante de la Chine.
Ce retour américain pourrait accélérer la résolution du conflit frontalier tout en renforçant son emprise sur le nouveau Soudan. Même si les États-Unis savent que le droit international favorise la Somalie, ils tirent avantage de l’intransigeance kényane, qui leur permet d’intervenir sous couvert de médiation. Des négociations équilibrées pourraient émerger, dans lesquelles Washington soutiendrait la stabilité interne de la Somalie en échange de certaines concessions politiques.
Parallèlement, les divisions entre pays du Golfe alimentent les tensions régionales. Des acteurs politiques locaux exploitent les financements du Golfe à des fins personnelles, approfondissant les clivages. Bien que la Somalie semble sur le point de gagner sa bataille juridique, la région reste vulnérable aux ingérences financées par les puissances du Golfe, et cela dépendra largement des objectifs immédiats de Washington à Mogadiscio.
Les puissances internationales cherchent à éviter tout rapprochement entre États du Golfe, afin de les affaiblir et d’imposer leur propre agenda sous couverture. L’absence d’une vision commune parmi les membres du CCG renforce l’éclatement du Golfe, non seulement dans la Corne de l’Afrique mais sur l’ensemble du continent africain. Une union régionale cohérente semble aujourd’hui hors de portée.
Centre des relations golfo-africaines – Note de politique publique, octobre 2019

