L’alliance « Riek–Pagan–Cirillo » : survivra-t-elle ?

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Le procès de Riek Machar, chef du Mouvement populaire de libération du Soudan (opposition), a jeté une ombre lourde sur l’avenir de la scène politique au Soudan du Sud. L’administration du président Salva Kiir Mayardit a jugé nécessaire de rendre le procès public, autorisant les médias à le couvrir et diffusant la première audience à la télévision nationale. L’objectif était d’apaiser l’opinion publique, tout en étant pleinement consciente que ce procès pourrait constituer le prélude à une explosion interne et à la dissolution du pacte sud-soudanais. Si ce scénario se réalise, Juba n’aura d’autre choix que de revenir au contexte de 2013, que la presse française avait qualifié de « La forêt sanglante ».

 

Certains universitaires américains rappellent que le défunt John Garang, fondateur et dirigeant du Mouvement populaire de libération du Soudan, fut un jour interrogé sur ce qui l’inquiétait le plus au sujet de ses principaux lieutenants. Il répondit : « Je crains que le fusil ne prenne le pas sur la pensée. Ceux qui rendent la révolution pacifique impossible rendent la révolution violente inévitable. Celui qui impose son pouvoir par les armes peut chasser un dirigeant, mais il ne peut gouverner les esprits. La paix ne se préserve pas par la force, mais par la compréhension. » (Il convient de noter qu’au nombre de ces principaux lieutenants figuraient plusieurs personnalités évoquées dans cet article : Salva Kiir Mayardit, Riek Machar et Pagan Amum).

 

La tension politique au Soudan du Sud s’intensifie à un niveau inquiétant. L’opposition, conduite par Riek Machar, ne s’est pas contentée de se rapprocher du Front de Salut National de Thomas Cirillo (ancien adjoint du chef de l’Armée nationale du Soudan du Sud) et d’annoncer une alliance avec lui ; Machar a également engagé un rapprochement avec l’Alliance du peuple uni dirigée par Pagan Amum. Fait remarquable, ils ont récemment obtenu le soutien de membres de la communauté dinka—la même ethnie que celle du président lui-même. Ce développement constitue un coup dur pour l’armée nationale dirigée par Salva Kiir Mayardit.

 

À mon sens, cette alliance entre les trois dirigeants est un arrangement provisoire dicté par une nécessité stratégique commune : l’objectif urgent de destituer Salva Kiir du pouvoir. Pagan Amum et Thomas Cirillo connaissent parfaitement les dimensions intellectuelles et psychologiques de la personnalité de Machar. C’est un homme dont le comportement politique repose sur un enchevêtrement complexe de considérations sécuritaires, influençant même ses relations avec les composantes du Sud-Soudan, y compris sa propre communauté nuer. Il ne faut pas oublier non plus que l’opinion publique sud-soudanaise perçoit Machar comme plus charismatique, stable et doté de qualités de leadership que Salva Kiir. Cette perception, conjuguée aux défis croissants auxquels le parti au pouvoir à Juba est confronté, accroît la vulnérabilité de Kiir. Le défi le plus pressant pour son administration reste la faiblesse de l’armée nationale. Malgré le déploiement de la division d’élite Tiger et de milliers de soldats ougandais venus soutenir les forces régulières, les rebelles ont réussi à établir des lignes d’approvisionnement depuis la République démocratique du Congo, ce qui leur permet d’infliger des pertes à l’armée nationale et à ses alliés.

 

Les signes d’un effritement de cette alliance se manifestent déjà. Après que le MPLS (opposition), sous la direction de Machar, a récemment recruté un groupe de lobbying pour défendre ses intérêts aux États-Unis, le Front de Salut National—qui est censé être un allié de Machar—s’est doté de sa propre stratégie indépendante visant à renforcer sa présence à Washington et à accentuer la pression sur Salva Kiir. Le 1er septembre, son dirigeant Cirillo a signé un contrat avec la société MGS, qui travaille actuellement à l’organisation de sa visite aux États-Unis. Si cette visite venait à se concrétiser, la dynamique de l’alliance tripartite — Riek–Pagan–Cirillo — s’en trouverait inévitablement transformée.

 

‏تحالف “رياك – باقان- سيريلو” هل سيستمر؟!

 

Dr. Amina Al-Araimi

Chercheuse émiratie en affaires africaines

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